Le projet de loi sur “l’égalité des chances” actuellement discuté à l’Assemblée Nationale et tant décrié comporte une mesure donnant la possibilité à des collégiens d’accéder à l’apprentissage avant 16 ans.

Ce point est étonnamment critiqué par l’opposition, qui considère cela comme une régression scolaire. Cela voudrait-il dire que l’apprentissage, et par là même le choix d’une filière dite “technique”, ne serait réservé qu’aux élèves en difficulté ? Quelle hérésie ! L’élitisme éducatif français, qui fait primer le diplôme sur les compétences, a atteint ses limites depuis longtemps. Quand l’on en est au point de préférer un énarque fraîchement diplômé à un BTS comptabilité qui a plusieurs années d’expériences validées pour occuper des fonctions de chef comptable, la remis en cause doit être faite urgemment. Force est donc de reconnaître que tant que le monde professionnel n’aura pas fait évoluer ses modes de sélection, il sera difficile pour les professeurs de collège de convaincre leur élèves d’emprunter une filière courte.

Le manque d’attrait pour les stages “ouvrier” dans l’enseignement supérieur dénote un complexe de supériorité et le refus de se mélanger au bas de l’échelle sociale, question d’image toujours. La lutte des classes serait-elle présente dès l’école ? Les filières dites techniques ont pour réputation chez nous d’être une sous-éducation, réservée à ceux qui sont en situation d’échec scolaire et vers laquelle on ne dirige que trop peu ceux qui le souhaiteraient vraiment, notamment en matière industrielle et artistique. On est loin de l’habitude allemande du Praktikum…

Sans une réforme en profondeur du système éducatif français, tant dans son contenant que dans son contenu, un certain nombre de problèmes sociaux de notre pays ne trouveront sans doute pas de réponses. Il y a un vrai besoin de réforme de l’éducation nationale, et ce afin que tous voient l’école comme une fierté plutôt que comme une contrainte, comme un tremplin vers l’avenir plutôt que comme une voie de garage. Néanmoins, les échecs successifs des différents ministres de l’Education, de droite comme de gauche, rappelle l’ampleur de la tâche à réaliser au regard de l’inertie du “mammouth” décrié par Claude Allègre.